"C'est désolant, mais la situation nous

dépasse"

Valérie Dufour

Le Devoir. Le jeudi 27 septembre 2001.

 

C'est avec tristesse et consternation que les employés de Bombardier Aéronautique ont encaissé hier matin la

nouvelle: 3800 d'entre eux seront licenciés au cours des prochains jours. Pour la région montréalaise, cela signifie

2000 mises à pied au sein des

15 000 travailleurs de l'entreprise.

Martin Parent travaille à l'usine Bombardier Canadair de Dorval depuis un an. Le jeune homme saura demain s'il est

renvoyé, mais l'avenir ne semble pas très rose. "Le plus dur, c'est d'attendre", précise-t-il. Son confrère Luc Girard

connaît bien ce sentiment. "Ça fait 24 ans que je travaille ici, et je suis passé par là deux fois."

Si les nouvelles sont mauvaises, les employés plus jeunes interviewés par Le Devoir à leur sortie du travail restent

optimistes. "Je travaillais à l'usine depuis un mois. Je viens de m'acheter un camion et il faut que je le vende au

plus vite, explique Jonathan St-Louis. Je suis un peu découragé, mais j'ai seulement 18 ans. La formation que j'ai

complétée est encore à jour. Et si je ne trouve pas autre chose, je peux toujours retourner à l'école."

François Dumont et Éric Marsan finissaient leur période de probation dans quelques jours, étape finale avant la

permanence. "Je suis jeune et je peux me réorienter facilement. Ça m'attriste plus pour ceux qui ont une famille,

une maison et une voiture à payer", raconte M. Dumont. "C'est désolant, mais la situation nous dépasse, renchérit

M. Marsan. On nous a dit qu'il y aurait des programmes d'aide pour les employés qui seront touchés."

Boîte à lunch à la main, Denis Bérubé n'en menait pas large. "Vu mon ancienneté [18 mois], il y a de bonnes

chances que je parte. Que voulez-vous, la conjoncture économique n'est pas favorable." Pierre Turcotte est

employé au service des essais depuis neuf ans. "On attend vendredi [demain] pour savoir qui sera touché. C'est

sûr que ce n'est pas plaisant, mais on ne peut pas faire grand-chose entre-temps."

Six ans de service en poche, Jocelyn Leduc ne croit pas qu'il perdra son emploi. "L'usine est bondée de jeunes et ils

vont tout perdre d'un coup. À leur embauche, plusieurs ont acheté une nouvelle voiture ou fait d'autres grosses

dépenses. Il y en a qui ont demandé un transfert à Mirabel et qui y ont acheté une maison. À Mirabel, ceux qui n'ont

pas beaucoup d'ancienneté - s'ils ne perdent pas leur job - vont être envoyés ailleurs. Il y a pas mal de monde qui

a le moral bas. Il y a beaucoup d'inquiétude parmi ceux qui ont deux ou trois ans de service."

Les coupes touchent également les employés à contrat de Bombardier. C'est le cas de Jean-Guy, qui n'a pas voulu

révéler son nom de famille. Le travailleur était affecté au contrôle de la qualité à l'usine Canadair. "Les contractuels

quitteront l'usine vendredi [demain]", indique-t-il.

Pendant ce temps, le maire de Boisbriand, Robert Poirier, a tenu un point de presse pour commenter l'annonce de

la fermeture de l'usine GM en septembre 2002. "On a l'impression qu'on commence notre travail", a insisté le

maire, qui est également président du comité de soutien à l'industrie automobile des Laurentides.

Selon M. Poirier, la fermeture de l'usine affecterait au moins 9000 personnes et il n'est pas question de baisser les

bras. "Nous demandons à GM de s'engager immédiatement dans un réel plan de relance [...] dont l'objectif serait

de rétablir la production d'un véhicule automobile à grande échelle." Pour ce faire, les représentants régionaux

misent sur la nouvelle génération de véhicules, comme ceux qui fonctionnent à l'électricité et à l'essence.

Et pour encourager GM à conserver son usine de Boisbriand en activité, on tentera d'attirer des entreprises qui

fourniraient des pièces à l'usine d'assemblage. On espère ainsi créer la cité de l'automobile. "Nous avons l'espace

pour accueillir des dizaines de sous-traitants, et le gouvernement du Québec nous a confirmé qu'il avait 300 millions

de dollars à consacrer à ce projet", explique Robert Poirier.

"Les gens de la région travaillent depuis plusieurs mois pour la mise en place d'un pôle d'excellence et de

recherche en transport terrestre", a ajouté Pierre Gingras, président du Conseil régional de développement des

Laurentides et maire de Blainville. "On a un an pour attirer un nombre respectable de fournisseurs pour que GM

revoie sa décision", a tranché Robert Poirier.