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Le budget de l'an 1 du nouveau Montréal: Un premier pas timide vers l'équité

Les taxes augmenteront dans 13 des 28 municipalités

François Cardinal

Le Devoir Le mardi 20 novembre 2001

* Tremblay récompense la banlieue

C'est un budget de la continuité qu'a concocté le Comité de transition de Montréal. Un budget qui maintient en grande partie les disparités entre les arrondissements riches et les arrondissements moins bien nantis. Mais ce qui importe dans cette longue marche vers l'équité, a indiqué hier la présidente du comité, Monique Lefebvre, c'est de faire un premier pas.

Ainsi, même si l'on élimine des dotations (budgets accordés aux arrondissements) certains éléments qui nuisent à une juste comparaison (services particuliers de protection contre les ncendies, déficits actuariels, etc.), on se retrouve tout de même avec d'importantes inégalités dans ce budget de l'an 1 du Montréal unifié. Précisons que celui-ci, ayant été déposé au cours des prochaines semaines. Le maire, Gérald Tremblay, et les conseillers pourraient ainsi modifier sensiblement ce document

réalisé par le Comité de transition, une instance formée de non-élus. Selon la proposition du comité de transition, le budget per capita sera donc de 943 $ à Westmount, de 340 $ à Montréal-Nord, de 339 $ à Villeray/Parc-Extension. La dotation per capita du Plateau sera de 380 $, celle de Rosemont de 418 $, celle de Dorval de 1260 $ et celle de Pointe-Claire, de 964 $.

Présentées dans le budget à titre indicatif seulement, ces dotations per capita n'en constituent pas moins "un premier pas intéressant dans l'établissement d'une comparaison entre les arrondissements", précise le Comité de transition. Mais attention!, l'on précise également qu'il faut interpréter ces

chiffres "avec beaucoup de prudence".

En effet, il faut tenir compte de certaines variables avant de pousser les hauts cris. La composition du parc immobilier des municipalités, par exemple, modifie la hauteur de la dotation. Plus une ville présente un visage industriel, plus elle a de dépenses liées à cette situation (services offerts aux industries et aux institutions), plus sa dotation risque d'être élevée. Ainsi, l'arrondissement de Saint-Laurent profitera de 725 $ per capita, soit près du double de Ahuntsic (350 $), et le centre-ville de Montréal (arrondissement Ville-Marie) connaîtra la deuxième dotation en importance avec 1004 $ per capita. Cela dit, l'iniquité provient avant tout des disparités qui existent actuellement entre les municipalités puisque ce sont grosso modo les budgets des villes actuelles qui sont reconduitsdans les coffres des arrondissements qui les remplacent. Lefebvre n'a pas tenté de dissimuler ce fait. "C'est certain qu'il y a des différences per capita qui reflète des différences historiques, a-t-elle dit. La création de la nouvelle ville n'effacera pas d'un seul coup toutes ses différences, mais l'important c'est que l'on entame la marche vers une meilleure équité."

Taxes Par ailleurs, les contribuables de 13 municipalités sur 28 connaîtront une hausses de taxes pour atteindre d'ici à 2010 le taux de taxation foncière cible, soit 1,42 $ pour chaque tranche de 100 $ d'évaluation. Le taux actuel à Montréal est de 1,99 $. Treize municipalités connaîtront pour leur part des baisses de taxes alors que deux villes, soient Pierrefonds et Outremont, ne verront pas de différences majeures de leur charge fiscale en 2002, leur taux de taxation étant similaire au taux cible. Les villes doivent toutes atteindre le taux cible d'ici à 2010, mais la plupart y arriveront d'ici à 2006. Précisons également que les hausses de taxes avoisinent 5 %, soit la limite permise par la loi, alors que les baisses tournent plutôt autour de 2 %. Mais tout cela ne tient pas compte d'une donnée très importante, soit l'utilisation des surplus en 2001. Pourquoi très importante? Tout simplement parce que certaines villes opposées aux ont dépensé la quasi-totalité de leur surplus pour faire bénéficier leur contribuables de baisses d'impôt tout aussi considérables que ponctuelles. La Ville de Dollard-des-Ormeaux, par exemple, dépense annuellement, en moyenne, quelque 700 000 $de ses surplus. En 2001, ce montant a été de huit millions...

Plutôt qu'une baisse de 2,4 % (si les surplus n'avaient pas été touchés), c'est une augmentation de 22 % que connaîtront les contribuables de cet arrondissement. Frank Zampino, président du comité exécutif de la nouvelle ville, estime que ce budget laisse peu de marge de manoeuvre aux élus. Il croit avant tout que les coûts de transition de 115 millions devraient être assumés entièrement par le gouvernement du Québec, et non pas à 45 % tel qu'il est prévu. Quant à la tarification de l'eau de 75 $ par logement, principe que son parti rejetait, il compte sur le comité qui étudiera le budget pour trouver des solutions de rechange. Au sujet des écarts dans les dotations per capita accordées aux arrondissements, il indique que la fusion doit viser l'harmonisation des services et un meilleur partage des richesses, "mais jamais dans le futur, on ne parlera de réduire la qualité des services en banlieue", précise-t-il.

De son côté, Pierre Bourque, le maire sortant, qualifie ce budget "d'effort louable de clarté et de transparence", mais signale quelques éléments inacceptables selon lui, comme la tarification de l'eau qui pénaliserait les arrondissements moins bien nantis de Montréal. Le futur chef de l'opposition propose de puiser dans les surplus de la Ville pour compenser le manque à gagner de près de 40 millions. S'il trouve normaux les écarts entre les budgets accordés aux arrondissements, il estime bien insuffisants ceux accordés à Villeray/Parc-Extension et Ahuntsic/Cartierville et Côte-des-Neiges qui "devraient avoir une dotationsupplémentaire", croit-il.