Partie1sur4abrege.
J'ai ŽtŽ un modeste participant chercheur et un proche
observateur des recherches qui ont conduit ˆ l'Žnergie atomique et ˆ la bombe
atomiques.
J'Žtais en France depuis octobre 1938, o je prŽparais le
concours d'AgrŽgation des sciences physiques ˆ l'ƒcole normale supŽrieure rue
d'Ulm.
1939. Une fois les Žpreuves terminŽes, je participai ˆ la
fte nocturne du 14 juillet.
Fig. 1.
Mon agrŽgŽ-prŽparateur Pierre Grivet, futur AcadŽmicien,
me conseilla de choisir entre le laboratoire de rayons cosmiques de Louis
Leprince-Ringuet et celui de FrŽdŽric Joliot-Curie de physique nuclŽaire au
Collge de France. Ë cause de la traBonnerot, bibliothŽcaire de la
Sorbonnedition de Rayons-X et de radioactivitŽ de mon professeur Ernest
Gendreau ˆ l'UniversitŽ de MontrŽal, je choisis celui de physique nuclŽaire.
Mon premier contact au Collge de France fut avec Hans von Halban. J'ai appris
depuis ce temps que peu avant mon arrivŽe, des brevets furent demandŽs par
Joliot, Halban et Kowarski au nom du CNRS en mai 1939, l'un d'eux intitulŽ :
"Perfectionnements aux charges explosives" No 971.324. Il dŽcrit la
possibilitŽ d'une rŽaction en cha”ne explosive de l'uranium, propagŽe par les
neutrons.
Fig. 2.
"Perfectionnements aux charges explosives" No 971.324. 4V1939.
1940. Je devais faire des recherches sur les neutrons
jusqu'en mai, et rencontrer des personnalitŽs qui ont marquŽ l'histoire : Lew
Kowarski, Irne Joliot-Curie, Pierre SŸe, Charles Leblond, le Chinois
Tsien-San-Tsiang. A cette Žpoque, Jacques Allier amenait ˆ Paris le stock
mondial d'eau lourde de l'usine de Norvge. Il faut avoir vu le film "La
Bataille de l'Eau lourde".
¥FrŽdŽric Joliot-Curie. Une fois, au cours d'un repas `Ivry,
il sortit de sa poche un papier et me demanda de le lire : c'Žtait le cŽlbre
ÒSiÒ de Rudyard Kipling, qui se termine ainsi : Òalors, tu seras un homme, mon
filsÒ. Il Žtait un homme affable et dŽterminŽ.
¥¥Son
Žpouse Irne Curie, peu bavarde.
¥¥¥Hans von Halban, d'origine suisse et autrichienne, devenu
un Franais.
¥¥¥¥Lev
Kowarski, originaire de Dantzig, donc ˆ la fois russe, polonais et allemand et
devenu luiqussi un Franais. Bon gŽant, cultivŽ, avcc qui je sympathisais
particuirement.
¥¥¥¥¥Paul Langevin, que Joliot appelait "papa".
¥¥¥¥¥ ¥Le bibliothŽcaire de la Sorbonne Bonnerot,
une rŽception de l'Action de Gr‰ces chez lui, avecdes signatures, dont celles des
Joliot-Curie et des Leblond.
Fig. 5. 30XI1939.
¥¥¥¥¥ ¥¥Bruno
Pontecorvo, ancien collaborateur ˆ Rome d'Enrico Fermi et de Franco Rasetti, ce
dernier devint professeur ˆ l'UniversitŽ Laval ˆ QuŽbec et y fit des
expŽriences sur la diffraction anisotrope des neutrons thermiques par les
cristaux de calcite, dŽmontrant que les neutrons possdent la dualitŽ
onde-corpuscule tout autant que les Žlectrons et les photons, avec son Žtudiant
Lapointe.
Mesures sur les
neutrons lents.
Mon
activitŽ princioale fut de mesurer des sections efficaces de diverss ŽlŽments
pour des neutrons lents, d'Žnergies cinŽtiques de quelques e.v., dŽfines par
les dŽtecturs employŽs, qui Žtaient des feuilles devenent radioactives
sŽlectivement: feuilles Au, Dy, In. Section efficace: cela est une manire
d'Žaluer l'effet du rayonnement et se mesure en cm2 X 10 puissance -24. RŽf.
36. Une prise de vues dans le film "La Bataille de l'Eau lourde" montre
le lieu. Je travaillais surtout ˆ Ivry, Laboratoire de Synthse Atomique.
Fig. 6. Ivry, Laboratoire de
Synthse Atomique.
La chambre noire, l'Žcriteau.
Il y
avait lˆ une chambre noire donnant sur la pice o je rŽalisai la plupart de
mes expŽriences sur les neutrons. Joliot et Halban, chacun de son c™tŽ, me
dirent plusieurs fois : "Demers, lˆ est votre avenir, vous tes chimiste,
vous pratiquerez la mŽthode
photographique". Ë l'Žpoque, la mŽthode photographique ne me
disait rien du tout. J'ignorais que l'Autrichienne Marietta Blau en avait
illustrŽ les premiers pas au Laboratoire de Marie Curie quelques annŽes
auparavant, en dŽcouvrant entre autres les Žtoiles cosmiques visibles sous le
microscope. Ë cause cette dŽcouverte, qui Žtait celle de la fragmentation ou
disons, de la fission, d'un atome par l'impact d'une particule, Erwin
Schršdinger la proposa pour le Prix Nobel de Physique. J'ignorais encore plus,
si je peux dire, que j'allais consacrer ˆ la mŽthode photographique 30 annŽes
de ma vie et Žcrire un livre ˆ son sujet : Ionographie Les Žmulsions
photographiques nuclŽaires.
Vacances 1940.
Vacances
de neige en janvier, je suis ˆ l'Alpe d'Huez via Grenoble. J'y rencontre
Marie-Paule Collotte. - Vacances de P‰ques cyclistes. Les ch‰teaux de la Loire
en compagnie du philosophe AndrŽ Dagenais. Dans les h™tels, il n'y a pas de
place parce que toutes les chambres sont rŽservŽes pour le repli escomptŽ de la
Banque de France, mais comme aucune des chambres n'est effectivement occupŽe,
on nous accueille gratis!
Le Grand DŽrangement des Franais.
PŽguy vs Truman.
Et
ce que l'avenir avait en rŽserve finit par Žclater. En mai 1940, c'Žtait
l'incroyable percŽe des Allemands ˆ Sedan et la dŽroute de l'armŽe franaise dŽbordŽe
et ŽnormŽment gnŽe dans ses dŽplacements vers le front, les civils Francais
ayant plus ou moins l'ordre de fuir vers le sud. En compagnie d'AndrŽ Dagenais,
je vais ˆ une soirŽe extraordinaire ˆ l'OpŽra Garnier consacrŽe ˆ Charles
PŽguy, Žcrivain catholique et patriotique avec les sociŽtaires de la ComŽdie
Francaise dont Berthe Bovy. Ce fut une rŽvŽlation Žmouvante pour moi. "Le
petit enfant qui s'endort en disant sa prire", "Paris double
vaisseau de charge", "Heureux ceux qui sont morts".
Quel
contraste entre cette dernire pice de PŽguy en 1914 - probablement la
dernire qu'il a Žcrite, et celle du PrŽsident AmŽricain Truman en 1945:
"Nous rendons gr‰ce ˆ Dieu de nous avoir donnŽ une telle puissance."
Entre modestie mesurŽe et folie des grandeurs. Truman eut-il une pensŽe pour
les victimes?
Les
Parisiens sont massŽs aux abords de la gare Montparnasse. Je laisse tous mes
bagages aux soins d'Aleksander Aspel, Esthonien donc neutre. Je ne sais pas ce
qu'ils sont devenus. Et je prends la route sur ma bicyclette avec mon sac au
dos. AndrŽ Dagenais Žtait parti ˆ Rennes, d'o il gagna l'Angleterre et il fut
bient™t rapatriŽ au QuŽbec. Voici le calendrier de mon odyssŽe. 9 juin 1940
dŽpart de Paris. 22 juin, Armistice. 27 juillet, mon embarquement ˆ Lisbonne.
10 ou 11 aožt, mon arrivŽe ˆ MontrŽal.
Laboratoire de MontrŽal. 1942-1946. Chalk River 1946.
Aprs un passage dans l'industrie
CIL ˆ Beloeil prs de la poudrire maintenant disparue, je fus convoquŽ au
laboratoire du Gouvernement du Canada installŽ dans l'aile destinŽe ˆ l'H™pital
univrrsitaire dans la b‰tisse inachevŽe ˆ la C™te-des-Neiges. En 1945, je me
dŽplaai avec ce Laboratoire ˆ Chalk River. Voici un aperu des membres du
laboratoire.
. .
La
composition du laboratoire en 1943, Fig. 9. Le lieu est une grande pice de
l'aile A1. FigN9.jpeg Quelques membres du laboratoire en 1943. Debout: A.M.
Munn (C), B.L. Goldschmidt, J.W. Ozeroff (C), B.W. Sargent (C), G.A. Graham
(C), J. GuŽron, H.F. Freundlich, H.H. Halban, R.E. Newell, F.R. Jackson, J.D.
Cockroft (en visile au Laboratoire), P. Auger, S.G. Bauer, N.Q. Laurence, A.
Nunn May. Assis: W.J. Knowles (C), P. Demers (C), J.R. Leicester, H. Seligman,
E.D. Courant, E.P. Hincks (C), F.W. Fenning, G.C. Laurence (C), B. Pontecorvo,
G.M. Volkoff (C), A. Weinberg (Agent de Liaison des USA), G. Placzek. J'Žtais,
nous Žtions tous, Žtroitement surveillŽs par la grande puissance ma”tresse du
monde d'aujourd'hui. Ce qui a pu interfŽrer avec la parution de certains de mes
travaux.
Cette histoire ŽtŽ racntŽe par Bertrand Goldschmidt
Fig. 13.
..
FigN13.jpeg
Fig. 13. Le Complexe atomique, exemplaire dŽdicacŽ. Pour Pierre Demers pionnier
quŽbecquois de l'Žnergie atomique,mon souvenir du laboratoire de MontrŽal
1942-46,Trs amicalement, Bertrand Goldschmidt, 13 mai 1982
LorsquÕil
est interrogŽ sur le r™le de lÕUniversitŽ dans ces travaux ultrasecrets, Mgr
Olivier Maurault rŽpond:ÇLe National Research Council occupe depuis cinq ans
des locaux dans quelques ailes (destinŽes au futur h™pital universitaire) de
notre b‰timent. Il nÕest permis ˆ personne de lÕUniversitŽ dÕy pŽnŽtrer. Et
nous nÕavons aucun rapport avec les chercheurs qui y sont enfermŽs.È
Olivier
Maurault (1886
- 1968) fut Recteur de l'UdeM.
"Merci
aux alliŽs," Pour remercier les Canadiens de leur aide durant la guerre,
le gouvernement de Grande-Bretagne vint dŽvoiler deux plaques. Le duc
dÕƒdimbourg se prŽsenta le 17 mai 1962 pour remercier ceux qui ont travaillŽ au
projet Manhattan. AndrŽ Bachand organisa une rŽception ˆ cette occasion, dans
un club social (Žtait-ce le Club de RŽforme?) occupant une b‰tissse aujourd'hui
disparue, ˆ un No impair rue Sherbrooke, en face du Club Canadien, dont la
b‰tisse existe encore, situŽ aux 434-438 rue Sherbrooke est, Le Cardinal LŽger
prŽsidait, ˆ sa droite le Prince Philip, qui fit un discours en franais, la
1re fois qu'il s'exprimait en public dans cette langue, a-t'il dit. RŽf. Club
de RŽforme le
grandquebec.com/montreal-histoire/club-canadien/,
Fig.16.
AndrŽ Bachand fit confectionner une plaque de bronze, portant entre autres les
noms des Franais et des Canadiens scientifiques du Laboratoire de MontrŽal. Il
l'a fait fixer ˆ la b‰tisse de l'UniversitŽ de MontrŽal. Elle fut dŽvoilŽe le
17 mai 1962 en prŽsence de Philip,
duc d'ƒdimbourg. Vue partielle de la plaque. On reconna”t les noms de P.
Demers, J. E.W. PrŽvost, H. H. Halban, P. Auger, B. Goldschmidt, J. GuŽron, L. Kowarski. En outre H. N.
Paneth, B. Pontecorvo. FigN16.jpeg
Huit
ans plus t™t, le 14 septembre 1954, la duchesse de Kent Žtait venue dŽvoiler
une plaque pour souligner la participation du contingent du Corps-Žcole
dÕofficiers canadiens de lÕUniversitŽ de MontrŽal. Cette unitŽ, sous la
direction, honoraire semble-t'il, du biologiste Georges PrŽfontaine, a fourni
quelque 1200 officiers aux forces armŽes du Canada, rappellera-t-elle.
"Ils ont servi dans la marine, lÕarmŽe et lÕaviation au cours des
campagnes en Afrique, en Italie, en France, en Belgique, en Hollande et en
Allemagne.
DÕautres
ont donnŽ leur vie pour dŽfendre la libertŽ proclamŽe dans la charte de
lÕAtlantique. Dieppe, les ”les Bevelen et Walcheren, en particulier, ont
ŽtŽ tŽmoins de leur hŽro•que sacrifice. Sur la plaque, on peut lire: ÇQue leur
gloire nous soit un exemple, que leur conduite nous inspire et que la terre
Žtrangre sous laquelle ils reposent leur soit lŽgre."
Servir
partout... au QuŽbec? Voilˆ ce qui satisfait bien peu la grande
aspiration des QuŽbŽcois comme peuple: se gouverner eux-mmes.
Une
annonce rŽvŽlatrice. 1944.
G.
C. Laurence, fin 1944, convoqua tous les scientifiques du laboratoire pour nous
communiquer une grande nouvelle. Le laboratoire de MontrŽal fermerait bient™t
et dŽmŽnagerait dans un nouvel emplacement loin des grands centres. L'atome
canadien serait bient™t situŽ ˆ Chalk River en Ontario sur la rivire des
Outaouais. Un site avantageux se trouve au QuŽbec sur la Saint-Maurice mais n'a
pas ŽtŽ retenu "parce qu'il serait perdu pour le Canada si le QuŽbec se
sŽparait".
J'eus
au moins la prŽsence d'esprit de rŽpliquer sur le champ: ("On se
souviendra de vos paroles!") "Your words will be remembered!"
Ma
rŽflexion en 2014: il y a lˆ un avertissement prŽcieux pour la gouverne des
QuŽbŽcois: dans l'esprit des stratges d'Ottawa, le QuŽbec est une possession
pas trs commode, plus ou moins temporaire, plut™t qu'une partie essentielle et
durable du Canada. Il y a 70 ans, ils songeaient ˆ devoir se dispenser un jour
du QuŽbec tel qu'il existait et existe encore. Il est grand temps de passer aux
actes pour le bien de tous.
..
Fig. Tableau
(26 cm X 36 cm) de Pierre Demers en 1944. En sortant de l'aile A o logeait le
Laboratoire atomique. Au loin les monts de Saint-Hippolyte de Kilkenny.
L'escalier de bois, ˆ droite la bo”te ˆ sable, ˆ gauche hors champ le collge
Jean de BrŽbeuf, l'H™pital Sainte-Justine s'ajouta plus tard. Une rangŽe de
chicorŽe et de moutarde.
Fin de:
partie 1sur4abrege.
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30 -
Suite:
partie 2.sur4abrege