VersVSLau9V91
Pierre Demers, 1200, rue Latour, Saint-Laurent H4L 4S4 747 2308 748 0603
Ville Saint-Laurent, a/s Mychel Trépanier, C. I. S. P. (c), Inspecteur de santé publique, Ingénierie et environnement, Module permis 777, boul. Laurentien St-Laurent H4M 2M7
Le 9 mai 1991
À VSLau9V91
Votre "Avis d'infraction" Réf. 4137 No permis.... Certifié du 06/05/91 #L37779246
Monsieur,
Je prends note de votre avis en titre et comptez sur ma collaboration, à charge de revanche, pour y donner suite de mon mieux. L'extrait du règlement No 924, Article 4, est très intéressant et permettez-moi de vous livrer quelques commentaires à son sujet. J'espère que Ville Saint-Laurent en fera son bénéfice.
1º. Remarque générale. Cet article ne s'applique pas à mon terrain. Votre avis est donc sans fondement. Il apparaît, d'après son titre, qu'il concerne les terrains en cours de construction: "vacant ou en partie construit". Or mon terrain n'est pas en construction. Cette interprétation me paraît confirmée par l'en-tête de votre envoi et par une ligne présente plus bas sur votre envoi:"Module permis . Avis d'infraction...Module permis". Mon terrain n'est pas, que je sache, l'objet d'un permis de construction, et en effet, vous avez laissée vide la case "No permis", en haut à gauche de votre envoi.
Je poursuis néanmmoins mes commentaires pour l'intérêt public.
2º Propreté. Même si le mot "propreté" apparaît dans le titre dudit règlement No 924, son article 4 que vous me proposez ne le définit nullement. Il y est question de "matière nuisible", mais pas de matière propre.
3º Matière nuisible. Sous ce chef, l'article 4 énumère une longue liste de choses qu'il est interdit de jeter, déposer ou laisser subsister" et se termine par deux lignes qui sont la seule justification présentée de cette liste de choses:
"... matières malsaines dangereuses ou non conformes à l'hygiène publique, ou autres matières de nature à être en danger pour la santé publique ".
Le passage que j'ai reproduit en italiques est incompréhensible, aussi serait-il bon de ne pas le retenir, sauf quant à l'évocation de la santé publique.
La justification du législateur se ramène aux idées que voici:
"matières malsaines" "dangereuses" "hygiène publique" "santé publique".
4º Description. Prenant pour acquis que l'article 4 se fonde sur le danger, l'hygiène publique et la santé publique, je me réfère à votre description, qui est brève.
"Le terrain est en mauvais état de propreté et de conservation.
Voir ci-joint copie de l'extrait du règlement municipal".
"Mauvais état" est si vague qu'il est difficile de donner une suite à votre avis avec l'assurance de vous satisfaire. J'userai de mon jugement.
Je remarque le mot conservation, mot qui n'apparaît pas dans l'article 4.
5º Corrections. Après votre description, votre avis d'infraction poursuit:
"Vous devez apporter les corrections requises, dans les trois (3) prochains jours".
Ces "corrections requises" ne sont pas énumérées sur votre avis. Quand commence le délai et quand expire-t-il? Le jour de l'envoi, celui de la réception, samedi, dimanche et jours fériés sont-ils exclus? Veuillez me renseigner.
6º Matière nuisible. Permettez-moi quelques commentaires sur les choses énumérées dans l'article 4 (cf 3º ci-dessus), dans le paragraphe Matière nuisible. (Voyez l'Annexe no 1). En somme, cette liste est si mal rédigée qu'elle rend l'article ridicule et non applicable.
7º Corrections. L'article 4 explicite, dans son 2ème paragraphe, les corrections requises. Il réclame réflexion pour qu'on puisse le comprendre.
"... doit l'enlever ou prendre les moyens pour égoutter ces eaux,..."
"ces eaux". De quelles eaux s'agit-il? L'analyse logique du paragraphe n'offre qu'une possibilité: il s'agit de "une matière nuisible". La seule matière nuisible visée par ce paragraphe se trouve être "ces eaux", ce qui répond précisément à une partie de l'énumération des choses dans le paragraphe qui suit: "eaux sales ou stagnantes".
Il suit que ce paragraphe et l'article 4 ne réclament de corrections que pour les eaux sales ou stagnantes. Prétendez-vous que, sur mon terrain, subsisteraient des eaux sales ou stagnantes?
8º Sanctions. Une loi ou un règlement qui ne prévoit pas de sanctions est sans force. Je note que l'article 4, s'il établit, dans son 1er paragraphe, une interdiction générale, et, dans son 2ème paragraphe, une correction quant aux eaux sales ou stagnantes, n'établit aucune sanction en retour. Dans votre avis, vous me menacez "sans quoi nous porterons plainte devant la cour municipale". Un juge ne peut inventer des sanctions, il ne peut qu'appliquer celles prévues légalement. L'article 4 est insuffisant.
L'information que vous me fournissez serait-elle incomplète et donc trompeuse?
9º Aspects sociologiques. L'exercice précédent me conduit à une constatation importante. Votre article 4 n'exprime aucun fondement sociologique, il concerne des matières pouvant porter atteinte à l'hygiène publique. Il pourrait en exprimer, aussi bien que l'article 6, mais il s'en prive.
L'article 6, dont vous m'avez envoyé copie partielle, est bien différent de l'article 4. Il y est question de nuisances telles que bruits, fumées, suie, escarbilles, étincelles, circulaires, annonces, prospectus, imprimés, travaux de construction. On y trouve les expressions: incommoder le voisinage, de nature à incommoder le voisinage, l'ambiance, perturber la tranquillité, empêcher l'usage paisible de la propriété dans le voisinage, salir, endommager ou incommoder les propriétaires, les usagers ou les occupants des propriétés avoisinantes.
Je n'aperçois nullement, dans l'article 6 énumérant ce qui constitue des nuisances, les "Matières nuisibles" de l'article 4.
10º Hygiène publique. Votre avis ne pouvant avoir d'autre fondement que l'hygiène publique, je vous inviterais à me faire savoir sans délai ce qui vous inquiète à cet égard. J'ai eu une conversation de bon voisinage avec M. et Mme Bertrand, mes voisins de la rue Raimbault. Ils ont reconnu s'être plaints de moi auprès de vous. Ils m'ont tenu un long discours, mais rien pour me convaincre que mon terrain nuirait à l'hygiène publique.
11º Maître chez moi! Il est regrettable que l'article 4 que vous invoquez puisse servir d'apparent fondement à une plainte non fondée entre voisins, et je regrette que vous ayez jugé bon, sans consultation avec moi, de donner suite à leur plainte.
Qui donc a employé le premier cette formule: "Maître chez soi", au Québec? Elle résume bien ce que je souhaite pour moi et ce que je souhaite à chacun des citoyens de Saint-Laurent. Que chacun se dise et soit maître chez lui, non pas maître chez le voisin.
Étant citoyen et propriétaire de Saint-Laurent depuis une trentaine d'années, nanti de droits acquis, je vous écris tout ceci parce que je souhaite être et me sentir maître chez moi.
12º Pro-environnement.I. Votre avis d'infraction se réclame de cette grande idée de l'environnement, dans son pied de page. Protéger l'environnement à Saint-Laurent, quel bel et noble idéal! S'il est vrai que l'environnement à Saint-Laurent dépend pour une part de l'état de mon terrain, que n'avez-vous pas fait, en revanche et sur l'échelle de terrains autrement plus vastes, pour détruire ce même environnement! Ville Saint-Laurent est mal placée pour se plaindre de moi. C'est moi, parmi d'autres qui aurais des raisons de me plaindre d'elle.
J'ai été témoin, depuis une trentaine d'années, de la destruction d'espaces verts qui étaient agréables, dans le quartier Montpellier, afin d'y installer des bâtisses énormes, discutables au point de vue esthétique, causant un encombrement déplorable. Cet encombrement gêne en surface, dans les airs et même sous terre, puisque les installations d'égouttement s'en trouvent surchargées. On peut voir dans leur insuffisance une des causes de la terrible inondation du 14 juillet 1987, qui m'a infligé des dégâts dont je n'ai pas encore fini de me relever, 4 ans plus tard.
Cette inondation a suivi le tracé du ruisseau Raimbault disparu. Ce ruisseau, il y a une cinquantaine d'années, hébergeait sans doute tortues et écrevisses. Les nouvelles bâtisses du quartier Montpelier auront bientôt fait disparaître le bosquet où il prenait sa source.
Que n'avez-vous pas fait, à la Ville Saint-Laurent, pour permettre, favoriser et accélérer ces grands travaux de construction destructeurs de l'environnement, mais fournisseurs de taxes accroissant le pouvoir municipal, fournisseurs de contrats et de bénéfices pour les amis de ce pouvoir!
13º Pro-environnement.II. Je remarque avec plaisir que la nature garde des droits à Saint-Laurent, témoin notre Cercle des Fermières dont on fait état dans Les nouvelles de cette semaine, présidé par Madeleine Chartrand. Je vous félicite aussi pour votre page dans ce même hebdomadaire, À vos balais! Cependant, votre article 4 me paraît déficient au chapitre de la protection de l'environnement.
En qualifiant de nuisibles les papiers, les bouteilles vides et la ferraille, il vient à l'encontre des campagnes de récupération et de recyclage de ces mêmes matières.
En qualifiant de nuisibles sans discernement les broussailles, les branches, les mauvaises herbes et les herbes folles, l'article 4 vient à l'encontre du respect de la vie végétale sous toutes ses formes, spontanée ou de culture, et même de la vie animale.
Pendant ce temps, vous ne semblez pas vous objecter à l'usage commercialisé des désherbants chimiques tuant la faune des gazons et dangereux pour l'hygiène publique.
Quant aux eaux stagnantes que l'article 4 qualifie de nuisibles sans discernement, nous savons tous qu'elles sont essentielles pour la vie de diverses espèces végétales et animales.
En qualifiant de nuisibles les vieux matériaux, vous n'encouragez certainement pas l'économie et la conservation des matériaux, dont le remplacement ne peut se faire qu'aux dépens des ressources naturelles, minérales ou biologiques.
Si vous voulez suggérer que toute les matières nuisibles décrites devraient être enlevées et acheminées au dépotoir plutôt que rester sur un terrain privé, il n'est pas sûr que l'écologie en profite à moyen ou à long terme. L'entreprise d'origine anglophone Greenpeace se plaint que 100.000 tonnes de déchets dangereux traversent la frontière qui nous sépare des États-Unis chaque année pour être incinérés, stockés ou enfouis, dont une bonne partie au Québec, menaçant la santé des populations.
Ce matin même, Gilles Gauthier, dans La Presse (9 mai 1991, A3), signale que "Montréal vend des terrains contaminés", ceux d'une carrière remplie à la manière d'un dépotoir. La restauration de ce site coûterait 43 millions. Il y a un an, le dépotoir de Saint-Amable était le siège d'un incendie spectaculaire et coûteux qui a noirci notre ciel pendant plusieurs jours, résultant de l'accumulation de vieux pneus. (Et dire que notre Gouvernement refuse le projet du Professeur Roy de l'Université Laval, qui pourrait transformer ces millions de vieux pneus en carburant utile)!
Votre article 4 semble inspiré par une courte vue et une vue dépassée de l'écologie.
14º En français, s. v. p.. Par ailleurs, je n'admets pas que Ville Saint-Laurent publie, à mes frais, des pages en anglais (Grab your brooms) pour livrer ses mesages pro-environnement. Que ma ville fasse donc sa part pour affirmer la langue française. Tout ce que vous faites paraître en anglais retarde l'intégration de nombreux néo-québécois et immigrants qu'il faut aider à devenir de bons citoyens du Québec. Vous leur rendez ainsi un mauvais service: l'environnement humain de Saint-Laurent et du Québec, encore plus que le balayage des trottoirs, c'est important pour le bonheur des citoyens et pour la libération politique du Québec.
Avec mes salutations respectueuses,
Pierre Demers.
Annexe No 1. (Réf. No 6º ci-dessus).
déchets. Si je me débarrasse d'une vieille chaise en la mettant aux déchets un soir, il est fort possible qu'elle se retrouve le lendemain chez un antiquaire avec une étiquette 20 $ ou 75 $. Est-elle"des déchets" au sens de l'article 4 si elle se trouve sur mon terrain?
chiffons. Des chiffons-J et d'autres sortes que je mets à sécher sont-ils "chiffons" au sens de l'article 4 s'ils se trouvent sur mon terrain?
papiers. Les papiers que constituent la présente et votre honorée en titre sont-ils "papiers" et nuisibles au sens de l'article 4 s'ils se trouvent sur mon terrain?
ballots. Je conserve précieusement un magnifique ballot en cuir épais, article de voyage que mon père utilisait il y a 75 ans en Europe. S'il se trouve sur mon terrain, doit-on le regarder comme interdit de présence au titre de "ballots", au sens de l'article 4 ?
vieux matériaux. À partir de quel âge des matériaux sont-ils vieux au sens de l'article 4? Des matériaux récents de fabrication ou d'acquisition échappent-ils à l'article 4? Toute bâtisse contient des matériaux, vieux à partir d'un certain temps: seraient-ils moins dangereux pour l'hygiène publique que ceux subsistant sur un terrain? Ou voulez-vous réserver l'interdiction aux "vieux matériaux" provenant de la démolition, supposément dangereux pour l'hygiène publique au contraire des matériaux neufs?
débris de matériaux. La distinction entre matériaux et débris de matériaux est subtile. Si l'on se fie aux dimensions, l'interdiction de l'article 4 s'applique-t-elle aux grandes dimensions ou aux petites?
ou d'autres objets. (Ou bien faut-il entendre, d'après le contexte qui précéde: débris d'autres objets)? La description est si générale qu'elle rend l'article d'application démesurée et elle rend l'article ridicule. L'article 4 aurait-il pour but d'interdire la présence de n'importe quel objet sur un terrain, y compris chaise, table, pot de fleurs, barbecue, plate-bandes, arbres, fleurs, gazon, buissons, etc.
bouteilles vides. Une bouteille pleine ne serait donc pas interdite par l'article 4. Je soutiens qu'une bouteille vide peut être aussi hygiénique qu'une bouteille pleine. Certaines bouteilles pleines peuvent d'ailleurs être un danger public: "L'alcool au volant, c'est criminel".
ferraille. Plusieurs jardins de Saint-Laurent sont munis d'un barbecue de fer. On expose en public à Saint-Laurent et dans des musées des objets de fer appelés objets d'art que certains critiques appellent de la ferraille, formés de morceaux de fer ayant servi. Ces objets d'art, ces barbecues, un fer à cheval sont-ils nuisibles et interdits par l'article 4?
broussailles. L'article 4 veut-il interdire les buissons? On peut croire que non, puisqu'il existe par ailleurs des règlements de Saint-Laurent concernant les buissons en bordure des trottoirs. Entre buissons, buissons épineux et broussailles, la distinction est subtile, elle n'est pas établie par l'article 4.
branches. L'article 4 manque ici de donner des précisions, car on peut difficilement croire que les branches des arbres subsistant sur un terrain seraient une atteinte à la propreté et à l'hygiène.
mauvaises herbes. Je ne comprends pas pourquoi, à cet endroit de l'article 4, on ne mentionne pas explicitement l'herbe à poux Ambrosia artemisiifolia et Ambrosia trifida, mauvaises herbes reconnues. Quant aux autres espèces végétales, la distinction devrait être faite, car certaines plantes peuvent être bonnes ou mauvaises selon les circonstances, telles la vesce ou jargeau, la marguerite des champs, le dactyle aggloméré, la fléole, le chardon etc. Ce passage de l'article 4 est insatisfaisant parce qu'il ne permet pas de trancher dans un cas spécifique.
herbe folle. Je connaissais l'avoine folle Avena fatua monte-dans-ma-manche, qui est une graminée sauvage fort jolie, mais herbes folles, je ne connaissais pas. Le Quillet m'a instruit. En agriculture, ce sont des herbes fines et légères qui croissent en abondance et sans culture. Pourquoi déclarer matières nuisibles de telles herbes? Des herbes cultivées larges, lourdes et clairsemées sur le sol seraient-elles moins nuisibles? Ce passage de l'article 4 me paraît insatisfaisant.
roches. Voudrait-on interdire les jardins de rocaille, qui renferment précisément des roches? Voudrait-on interdire les gros cailloux, ou les petits cailloux comme dans les allées? Ce passage de l'article 4 est insatisfaisant.
eaux sales ou stagnantes. Voir plus bas.
animaux morts. L'article 4 m'interdirait-il de déposer sur mon terrain la carcasse d'un agneau mort pour faire un méchoui sur un barbecue? Il faudrait préciser.
matières malsaines dangereuses ou non conformes à l'hygiène publique. Cette rédaction est insatisfaisante parce que, entre autres matières nuisibles à l'hygiène publique lorsqu'elles sont répandues sur un terrain vacant ou en partie construit, se trouvent celles qui s'y conforment le plus, je veux dire, les eaux d'égoût. Elles s'y conforment grâce à une gestion qui est l'affaire de spécialistes, les ingénieurs du génie hygiénique, et cette gestion se fait notoirement et à grand prix pour tous les contribuables.
ou autres matières de nature à être en danger pour la santé publique. Phrase incompréhensible telle que rédigée.
Copie à M. Mme Louis-René Bertrand, 1205, rue Raimbault, H4L 4R8;
échevin, Micheline Roy, H. de Ville.
M. et Mme Louis-René Bertrand,
Je profite de celle-ci pour vous rappeler que je serais intéressé à acheter votre terrain et votre propriété. Quel serait votre prix?
Respectueusement, Pierre Demers. 9 mai 1991.
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Le 5 juin 1991:
Cette lettre a été déposée au Conseil exécutif de Saint-Laurent par l'échevin Micheline Roy, le
22 mai dernier. Réf. Me Édith Baron-Lefebvre, Hôtel de ville.
Quelle suite le Conseil de Ville Saint-Laurent y donnera-t-il?
copie à "Les Nouvelles de Saint-Laurent", avec invitation à publier. Merci.
1963, Place Thimens, Saint-Laurent H4R 1K8 339 1212
5 novembre 1991 : Les Nouvelles n'ont pas fait paraître cette lettre. J'adresse copie à Me Poletto. 69, rue Jarry Est H2P 1T2 336 0983 388 8255