La question des objectifs de la LISULF
Le point de départ
Lors de sa fondation en décembre 1979, la LISULF s'est donné les buts suivants:
- Étudier la question de l'usage de la langue française par les scientifiques.
- Promouvoir l'usage de la langue française par les scientifiques dans leurs communications écrites ou verbales.
- Membres : la Ligue veut rassembler des scientifiques et des non scientifiques désireux de concourir aux buts énumérés ci-dessus.
- Pour les buts énumérés ci-dessus, réaliser des études, des enquêtes, des missions, écrire et publier des articles, des mémoires, des textes, des opuscules, des livres, publier un périodique,réaliser des assemblées, des cours, des conférences, des colloques, des émissions de radio et de télévision, produire des films et des diaporamas.
- Les buts ci-dessus ne se limitent pas au territoire du Québec mais ils s'étendent, au point de vue recrutement, études, missions, enquètes, conférences, à la France, à la Francophonie et aux autres pays.
- Établir et maintenir des échanges et des relations internationales pour les buts énumérés ci-dessus.
Premier virage vers la revendication politique
Les premiers mois de la LISULF ont été consacrés surtout à diverses réunions qui ont mené à l'organisation d'un colloque en 1981. Pierre Demers écrivait ceci dans Science et Francophonie en décembre 2009:
Le Manifeste de Montréal a vu le jour à l'issue d'un grand colloque tenu en 1981 à Montréal sur le français scientifique présidé par Roger Gaudry, sollicité pour cette tâche délicate à la dernière minute. S'y distinguèrent entre autres Roger Morvan, Jean-Claude Pechère et Henri Gounelle de Pontanel. Ce dernier, membre de l'Académie de médecine de Paris, fit impression en déclarant : "Je suis médecin, or je dis que la langue française en sciences est très malade; il faut lui appliquer un remède de cheval". Jean-Claude Pechère, alors notre président, déclara que la LISULF était là pour apporter ce remède. Roger Morvan, encyclopédiste, affirma la nécessité de profiter de l'occasion pour lancer une déclaration publique alertant les gens de science et les pouvoirs publics. La LISULF n'avait alors qu'un bulletin. Elle y fit paraître un texte préparé avec la participation de Daniel Pajaud venu de France, signé par lui et les 4 autres membres présents. Ce fut le Manifeste de Montréal, contenant le projet DDA, daté de novembre 1981, paru plus tard dans les pages de [notamment] S&F No 4.
Ce manifeste est reproduit ici intégralement:
Le Manifeste de Montréal, dans sa formulation et ses intentions, constitue un virage net en ce qu'il met l'accent sur la revendication auprè des instances politiques. En effet, il semblait déjà clair aux intervenants de l'époque que seule une intervention politique permettrait d'atteindre le but de la promotion de l'usage du français en science.
Peu après la publication du Manifeste, trois ministres québécois portèrent ses demandes devant l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, sans succè. La LISULF n'en continua pas moins à répéter son message, notamment dans son périodique Science et Francophonie (voir l'index).
La LISULF tint aussi un colloque à Trois-Rivières en 1983 qui donna lieu à la plublication de plusieurs statistiques et opinions, disponibles en format PDF.
Pasteur Parlait Français
En 1989, l'Institut Pasteur annonce sa décision de n'accetper désormais que des textes en anglais dans les pages de ses publications. La LISULF réagit sans tarder et organise la première manifestation Pasteur Parlait Français (PPF), tel qu'en rend compte Science et Francophonie no. 25. L'action concerté des membres de la LISULF en France et au Québec ont fait monter la pression sur l'Institut qui, semble-t-il, a reculé en ce qu'il accepte des textes en fraçais lorsque les auteurs tiennent à utiliser cette langue (si vous connaissez cette partie de l'histoire, SVP écrivez-moi). Outre la victoire morale qui constitue à rendre mal-à-l'aise bon nombre de scientifiques francophones qui publient en anglais, l'affaire Pasteur est le seul gain substantiel que la LISULF compte à son actif.
La manifestation PPF annuelle a eu lieu chaque anné à Montréal depuis 1989.
Second virage : pour un Québec indépendant
Le passage des années n'a pas été particulièrement favorable à la LISULF. Plusieurs de ses membres, surtout québécois, sont resté très actifs mais leur nombre a diminué et les chapitres internationaux ont perdu de leur vigueur. Les actions de la Ligue ont trouvé de moins en moins d'oreilles attentives avec, notamment, un long cycle de présence au gouvernement du Québec d'un parti non seulement fédéraliste mais aussi très peu enclin à la défense du français.
En contraste, les organisations - politiques et autres - qui font la promotion de l'indépendance du Québec ont conservé et dans certains cas augmenté leur proximité avec la LISULF. Ce phénomène a été particulièrement visible lorsque le fondateur Pierre Demers a atteint l'âge vénérable de 100 ans. Cela a donné l'occasion symbolique à plusieurs organisations de lui rendre hommage par divers prix et médailles.
Mais c'est bien auparavant que le Conseil de la LISULF avait conclu que la cause du français en science était bloquée et que seule l'accession du Québec à son indépendance politique pourrait la débloquer. Le plus grand activisme du Québec en matière de langue par comparaison aux autres pays francophones suggère même que cette indépendance pourrait influer sur l'avenir du français en science sur le plan international. Les dernières décennies de Science et Francophonie sont cohérentes avec cette conclusion et comportent nombre de textes qui sont favorables à l'indépendance du Québec et aux partis ou acteurs politiques qui en font le projet.
En guise de conclusion
Aujourd'hui, alors qu'une partie importante de la base militante de la LISULF est en renouvellement, se pose la question de ses objectifs. Il est indéniable que l'action politique est un des moyens principaux pour promouvoir le français en science. Mais on peut envisager d'autres moyens faisant appel à la société civile et exploitant les possibilités offertes par l'ubiquité et l'instantanéité des communications électroniques. Ces autres moyens, s'ils s'avèrent, se posent peut-être comme compléments ou comme substituts à l'intervention politique. Par ailleurs, si la Ligue maintient sa conclusion que seule l'indépendance du Québec peut faire débloquer la situation, alors se posera la question de son existence même. Elle devra envisager de se saborder au profit d'un parti politique indépendantiste... À moins qu'elle choisisse de se concentrer sur ses autres buts originaux qui consistent, pour les paraphraser, à observer et à documenter la situation du français en science. Elle délaisserait alors temporairement sa promotion.
Ceci n'est pas une conclusion, c'est plutôt l'introduction d'une partie de la discussion que la LISULF doit faire le 10 juin prochain. Plusieurs options sont décrites sous leur forme extrême au paragraphe précédent et méritent des nuances qu'on pourra apporter ensemble. Vos réactions, compléments de réflexion et propositions sont donc les bienvenus. Vous pouvez réagir avant cette date de deux façons : en m'envoyant personnellement vos commentaires ou en écrivant un texte destiné à ètre publié sur ce site, à l'intention de tous. Dans ce dernier cas, SVP précisez clairement cette intention. Dans les deux cas, SVP écrivez-moi en cliquant ici.
Thierry Leroux-Demers
Président de la LISULF
Le 22 avril 2017